Utopies et ESS

11/11/2019 | à la une, articles, planète, société, utopies concrètes

Temps de lecture : 5 minutes

Questions à un des acteurs majeurs de l’ESS

Françoise LAREUR – Présidente de la fondation d’entreprise du groupe Macif* a répondu aux questions de Ground Control dans le cadre de notre thématique sur les Utopies Concrètes.

La fondation Macif est à l’origine des Accorderies : pourquoi avoir initié ce projet en France ? Quel en est le bilan à date ?

Les Accorderies sont nées au Québec en 2002, c’est aujourd’hui un réseau de banques de temps. Autrement dit, en échange d’un service rendu vous recevez un chèque temps, que vous pourrez à votre tour dépenser pour bénéficier d’un autre service. Elles ont été initiées en France par la Fondation Macif et le Secours Catholique. 

A l’origine, pour reprendre les mots de Pascale Caron, présidente des Accorderies en France (dans le podcast Au Gré du Ground “ESS, utopie ou réalité ?“), “l’idée était de permettre à des personnes en situation de précarité d’accéder à des services qu’elles ne pouvaient pas forcément se payer, et développer leur pouvoir d’agir.” 

Après une première expérimentation à Paris dans le 19ème arrondissement en 2008, nous avons signé une convention avec le Réseau québécois pour transférer l’ensemble des outils en France et développer le projet.

C’est un projet particulièrement innovant qui répond à la problématique de la transition sociale et qui permet de lutter contre la pauvreté et l’exclusion. Aujourd’hui, on compte 38 Accorderies en activité, plus de 16 000 Accordeur.ses et plus de 340 000 heures échangées.

L’innovation sociale, c’est la mission de la Fondation Macif: quels sont les projets les plus marquants que vous soutenez actuellement en matière d’innovation sociale ?

La fondation s’implique aux côtés de porteurs de projets pour favoriser l’émergence d’initiatives dans les domaines de la mobilité, de la santé, de l’habitat ou encore de la finance solidaire. Voici quelques uns de nos projets phares.

On peut citer dans le domaine de la mobilité, l’association Wimoov, qui propose de nombreuses solutions pour une mobilité quotidienne et accessible à tous, mais aussi autonome et durable. Ce sont aujourd’hui 25 plateformes réparties sur tout le territoire. Mais également Rezo Pouce, qui remet l’auto-stop comme une pratique actuelle. Il s’agit d’une application pour permettre aux utilisateurs de se déplacer de manière sécurisée et vérifiée en zone rurale et périurbaine.

Dans le domaine de la solidarité et de l’intergénérationnel je citerais bien sûr Unis-Cité, qui vise à promouvoir la solidarité chez les jeunes, en leur permettant de s’engager au service de la collectivité, à travers différentes missions d’intérêt général réalisées en équipe.

Je pense aussi naturellement à  Silver Geek, un service d’accompagnement des personnes âgées aux nouveaux outils numériques par le jeu vidéo et la compétition. 

Enfin Les Jardins de Cocagne, sont des exploitations maraîchères biologiques, à vocation d’insertion sociale et professionnelle. Les légumes biologiques récoltés sont ensuite destinés à des adhérents-consommateurs sous forme de paniers hebdomadaires.

L’économie sociale et solidaire, est-ce un modèle qui peut se développer à grande échelle ?

L’ESS c’est un modèle économique ancien qui reste aujourd’hui très moderne et novateur.  Les nouvelles générations d’entrepreneurs s’y intéressent car il permet de mener des actions en intégrant l’investissement socialement responsable ou encore la Responsabilité Sociale des Entreprises comme des données clé de l’entrepreneuriat. 

De manière plus globale, j’observe un mouvement de l’économie classique vers des modèles plus vertueux, qui résistent mieux à la crise, comme l’ESS. De plus en plus d’entreprises s’intéressent davantage aux problématiques de notre société, aux fractures sociales et territoriales. C’est une première bonne nouvelle.

Ensuite, la loi Pacte et les entreprises à mission vont amener l’économie traditionnelle à se transformer progressivement vers une économie sociale et solidaire dans tous les secteurs d’activité. Donc oui ce modèle peut se développer à grande échelle.

Un point sur la culture, sujet majeur pour un tiers lieu comme Ground Control. Est ce que la culture est un des enjeux de la Fondation ? Si oui comment l’abordez-vous ?

Si la culture n’est pas un enjeu direct de la fondation Macif, celui de l’accès à celle-ci en est un. La culture est un service essentiel comme la santé, la mobilité… Ainsi, la Fondation soutient des projets qui amènent la culture au citoyen comme le Mumo : un musée mobile, itinérant, destiné à aller à la rencontre des enfants, en se rendant directement sur leurs lieux de vie. 

Les Concerts de Poche, est une association qui permet d’emmener les plus grands artistes de la musique classique, du jazz ou de l’opéra, dans les zones rurales afin de permettre à tous, jeunes, personnes isolées ou défavorisées, de découvrir et d’apprendre la musique avec des professionnels.

Avec la structure Egalis, la Macif est aussi le mécène exclusif de l’exposition “Océan, une plongée insolite” au Muséum d’Histoire Naturelle de Paris. Le 14 novembre prochain, elle proposera ainsi 3 visites guidées, adaptées à 3 types de handicaps : déficients visuels, déficients auditifs et personnes à mobilité réduite.

“Créer une notre réalité”, ce sous-titre que nous avons choisi pour notre programmation de Novembre. C’est une manière de dire, selon nous, que le collectif a le pouvoir de créer le monde de demain. Qu’en pensez-vous ?

Nous sommes sur la même longueur d’ondes, on croit au pouvoir du collectif, et au fait qu’il peut participer à la transformation sociale et aux transformations de la société. Le modèle de la fondation Macif participe à toutes les actions mutualistes et collaboratives qui sont menées sur le terrain, pour aider les porteurs de projets à mettre en place leurs idées et à faire en sorte qu’elles se transforment en actes et en actions concrètes sur le terrain. Nous les aidons à progresser, mais aussi accepter leurs erreurs : le but est de leur permettre de réaliser des expérimentations innovantes et de ne pas considérer qu’un échec est un échec total, c’est aussi notre rôle de les aider à rebondir.

Ainsi chaque année, la Fondation accompagne près de 170 projets d’innovation sociale, dont 6 à 8 via le programme PIN’S.

Propos recueillis par Frédéric Haury

*Pour un budget de subvention de 3.4 millions par an, dont une large part est attribuée à la mobilité (50%), la fondation d’entreprise du groupe Macif gère de nombreux projets locaux détectés dès leur amorçage par des chargés de mission répartis sur l’ensemble des territoirs et régions de France. 

Le but, apporter un coup de pouce financier, co-construire, accompagner et développer ces projets. Plus largement, la finalité de la fondation est de participer à la transition et à l’innovation sociale.

+ d’articles

Partager cet article